Nul ne sait si ce jeune athlète a choisi le sprint, le demi-fond ou le fond. Une chose est certaine : il sait gérer son souffle et peu lui chaut que la course dure plus d'une heure. Il en a sous le pied et surtout plein la tête. Expressif en diable sans pour autant être grimacier, il figure aussi bien une porte qui claque, un bruit de moteur, un avion supersonique que des émotions humaines.

Il tient son histoire, celle d'un rêveur lourdé par sa hiérarchie qui va se reconstruire au milieu de cabossés de la vie en internat psychiatrique. Il y a du Nicholson dans "Vol au dessus d'un nid de coucou" chez Thibaut Prigent, une intelligence dans l'observation et l'analyse du monde qui l'environne et une empathie folle pour ses congénères. S'il les croque en forçant le trait - c'est tout l'art de la caricature - il le fait avec gentillesse. Faisant fi de son insomnie consécutive à l'accident, son personnage avance. Avec eux. Pour eux. Il va s'aérer et leur faire prendre l'air, les libérer. Est-ce sa petite musique de rêveur qui lui donne l'art de la fugue ?

Thibaut Prigent travaille sans artifices, sans décor. Son seul point d'appui est une chaise. Il a un habillage son et lumière minimaliste. Plus enclin à la narration qu'à la séduction, il est vêtu simplement : t-shirt-jean-basket.
Le résultat est étonnant. S'il gagne à discipliner son débit, il va vite se placer comme le nouveau Caubere. Respect.