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D.R.
Interview par Caroline Fabre
Danielle Mathieu-Bouillon
Une vie consacrée au théâtre

Depuis 54 ans, Danielle Mathieu-Bouillon sévit (dit-elle) dans ce métier où elle a « eu mille vies ». A 70 ans, cette infatigable est toujours présidente de l'A.R.T. (Association de la Régie Théâtrale) et du Prix du Brigadier, gérante de la Fondation Hébertot (selon les volontés de l'ayant-droit de Jacques Hébertot, son époux Serge Bouillon, décédé en 2014) et auteur de pièces, de livres, chargée de cours, critique à Culture-Tops...
Comment cela a-t-il commencé ?
Ma marraine, soeur de la directrice du Gymnase, m'a permis d'être recommandée auprès du grand Raymond Rouleau. Je réussis mon premier test - remonter un café, toujours chaud et sans en verser une goutte, du bistro au dernier étage du Sarah Bernard via l'immense escalier- et fus admise, à 17 ans, dans son essaim d'assistants. Il pouvait compter sur ma mémoire, infaillible, comme sur ma détermination, sans faille. J'avais la soif d'apprendre. Pas timide du tout, j'étais copine avec chacun, des techniciens aux plus grands comédiens. Je me souviens avec émotion de Curd Jurgens dont j'ai tenu la tête, là sur mes genoux. Il était si beau avec ses yeux si bleus! (Danielle a un fort penchant pour les yeux bleus !).Très vite, je fus acceptée à la table de mise en scène, avant de devenir sa première assistante ! Il m'appelait Bibiche. Pour le métier, je suis restée « la Bibiche à Rouleau », en tout bien tout honneur bien sûr ! Après quatre ans d'étroite collaboration, il se mit à m'appeler d'un ton plus cassant « Mademoiselle Lavelli ». Je remettais trop souvent ses décisions en questions et il en prenait ombrage. Pas question de nous fâcher. Je suis partie.

Vous bifurquez alors vers l'administration de théâtres ?
Je venais de rencontrer Serge Bouillon, dont j'ai partagé la vie de 69 à son décès. Cet homme hors du commun, appelé pour des missions impossibles dont il s'est toujours sorti avec brio, a été un mentor extraordinaire. Je l'ai suivi au Vieux-Colombier où il venait d'être nommé. Je n'étais pas payée mais j'y ai tout appris de l'administration d'un théâtre. Plus tard, Simone Berriau m'appelle au Théâtre Antoine, Serge Molina au Comédia. Je travaille avec de nombreux metteurs en scène, deviens spécialiste ès-éclairages, fais de la production cinématographique et théâtrale. Je crée aussi, à la demande de Jacques Chirac, l'opération « Prenez une place venez à deux ».

Vous êtes également présidente de l'A.R.T (Association de la Régie Théâtrale).
Là encore, j'ai d'abord suivi Serge -il la présida de 1975 à 1983- avant de lui succéder. A l'origine « Amicale des Régisseurs de Théâtre » ayant pour but de resserrer les liens de confraternité et de solidarité entre les régisseurs, l'A.R.T. oeuvre aujourd'hui à transmettre la mémoire du spectacle vivant. Une activité y est devenue prépondérante : l'archivage de dizaines de milliers de documents (relevés de mise en scène, livres de bords, photos, affiches, vidéos...). Ils sont consultables sur rendez-vous à la Bibliothèque Historique de la Ville de Paris.

Et quid du Prix du Brigadier ?
Fondé en 1960 à l'initiative de l'A.R.T., il distingue chaque année une personnalité (auteur, acteur, metteur en scène, décorateur...) ou un spectacle, sous l'égide d'un jury de professionnels, « des gens de la baraque » comme disait Anouilh qui n'a jamais accepté d'autres récompenses ! Le Prix a parfois été mis entre parenthèses, pour cause de politiques trop intrusives, par manque de subventions... Matérialisé par l'emblème du régisseur, le brigadier, qui porte ici une plaque au nom du récipiendaire, il fut remis à l'Hôtel de Ville, au Ministère de la Culture, à la Bibliothèque de la Ville de Paris... et depuis quelques années, dans des théâtres.
Paru le 15/08/2018